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cide. C’est la lutte de deux esprits, de deux nations, non de deux races[1]. »

Ôtez le cœur pétrifié et l’âme mongolisée, et vous aurez la vérité. Il serait facile de multiplier les témoignages venant du même camp et parlant dans le même sens. Oh ! mais à quoi bon ?

Encore un coup, la théorie dont nous parlons n’est point nécessaire à notre thèse ; elle est trop entachée d’exagération pour ne pas rendre suspectes ses meilleures preuves. En voulant prouver trop, elle risque de ne prouver rien. Est-ce à dire qu’elle n’ait rien qui mérite l’attention de l’historien ? Nous sommes les premiers à déclarer le contraire, d’autant plus que ce qu’elle contient de vrai, de sensé, les historiens russes de nos jours le disent également. Ils reconnaissent franchement que les Grands-Russiens sont un peuple mixte, ce qui leur est commun, ajoutent-ils, avec d’autres grands peuples, les Romains, les Français, les Anglais. Ils avouent qu’ils sont le produit de la colonisation de la Russie par les Slaves de l’Ouest ; qu’à côté d’eux, au nord et au nord-est de la Russie actuelle, vivaient jadis et vivent encore de nombreuses tribus finnoises ou turques, avec lesquelles ils se mêlèrent et qu’ils finirent par absorber. Ils ne nient pas que le sang finnois n’ait laissé des traces dans les veines du Grand-Russien, comme la domination tatare en a laissé dans son caractère. Ils concéderont même que, de tous les peuples qui prétendent au nom de Slaves, c’est le plus mêlé, le moins slave, et que, sous ce rapport, il est l’opposé des Blancs-Russiens, dont le sang slave est le moins mêlé[2]. Ils font remarquer que le mélange date de temps immémorial, qu’il s’est fait lentement, naturellement, presque sans violence. Ni les chroniques, ni les traditions ne laissent supposer que les tribus finnoises aient été détruites ou chassées des localités où les trouva le plus ancien annaliste russe et où elles ne subsistent plus ; à leur

  1. Histoire populaire de Pologne, par Adam Mickiewicz, publiée et annotée par L. M, p. 54, Paris, 1867.
  2. Toutes ces considérations ont été parfaitement développées par M. Anatole Leroy-Baulieu, dans ses remarquables études sur la Russie, qu’il publie dans la Revue des Deux Mondes depuis septembre 1872. Nous espérons qu’elles paraîtront bientôt en volume séparé.