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la dernière phrase relative à la Pologne nous y ramène tout naturellement. Il peut se faire que l’auteur de ces considérations, tout en plaidant la cause de l’Alsace-Lorraine, ait eu en vue les provinces baltiques de la Russie, qui pourraient bien devenir une pomme de discorde entre elle et sa puissante voisine. Mais elles s’appliquent également aux provinces occidentales de la Russie. Ainsi que l’Alsace-Lorraine, ces provinces formaient autrefois des principautés autonomes, indépendantes ; plus tard, elles furent conquises par les grands-ducs de Lithuanie, et quand celle-ci se fut unie à la Pologne, elles firent partie du royaume jusqu’à l’époque de son partage (arrivé dans l’intervalle de 1772 à 1795) où elles passèrent enfin à la Russie. Je n’ai pas à apprécier ici la valeur du principe de la nécessité historique à l’aide duquel on voudrait justifier le démembrement de la Pologne. Mais puisque le Messager russe a recours à ce nouveau Deus ex Machina, qui est en effet très commode pour trancher les difficultés les plus gênantes et pour absoudre n’importe quel méfait, il ne saurait trouver mauvais qu’on s’en serve aussi contre lui. Il ne faut pas oublier que la Revue dont nous avons extrait ces passages a pour rédacteur en chef un des promoteurs les plus systématiques de la russification des provinces de l’Ouest, notamment pour le culte. Elle considère naturellement ces contrées comme étant russes et nullement polonaises. On pourrait lui demander sur quoi elle fonde soit assertion. Est-ce sur le droit de conquête ? Mais elle vient de le déclarer indigne du XIXe siècle ; et d’ailleurs, la conquête ne change pas le caractère ethnographique des peuples conquis. Invoquera-t-elle le droit historique ? Dira-t-elle que les provinces ont primitivement fait partie de la Russie et que celle-ci, par conséquent, n’a fait que reprendre son ancien patrimoine ? Mais elle vient de dire que ce droit est, au fond, révolutionnaire. Ensuite, si par le mot Russie il faut entendre la Grande-Russie actuelle (l’ancienne Moscovie), l’argument repose sur une fausse supposition. En effet, la Grande-Russie, comme État, ne date que du XIVe siècle. La plus ancienne chronique russe, attribuée à Nestor (1100) n’en connaissait pas l’existence ; elle énumère cependant les principales tribus asiatiques fixées, à cette époque, sur le territoire qu’occupe aujourd’hui le peuple grand-russien. Il n’y avait alors,