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LE MUSICIEN DE PROVINCE

ans environ. Celle-ci avait une toilette rose.

M. Grillé, de sa fenêtre, avait assisté à l’arrivée du mail. Nullement intimidé lorsque eurent lieu les présentations, il remarqua seulement une anormale familiarité entre Mme Muret et le monsieur élégant. Le monsieur s’était mis, sans plus de façons, à la place du maître de la maison ; il avait découpé le rôti et semblait habitué de ces manières ; il parlait d’ailleurs agréablement. Les deux vieilles dames à la fois très effacées et très indifférentes, causaient entre elles sans que personne prêtât attention à leurs propos. Le monsieur élégant adressait la parole à M. Grillé, lui disait son admiration pour la Patti… « si passionnée, ajoutait-il, dans le rôle de Juliette, vraiment fait pour elle… »

— « Roméo, répondait M. Grillé, est une œuvre charmante, toute pleine de cette poésie suave qui n’appartient qu’à Gounod et à Lamartine. »

Après le dîner, au jardin, la jeune fille avisa un hamac suspendu entre deux tilleuls et s’y blottit. Le monsieur s’approcha d’elle en lui présentant un étui à cigarettes ; elle en prit une, l’alluma en disant très haut : « Merci, papa ! ». M. Grillé observait alors Mme Muret. Celle-ci conservait son impassibilité et ses gestes simples. M. Grillé se retira à neuf heures comme il faisait chaque soir. On répondit gracieusement à ses révérences.

Quand il fut dans sa chambre, il entendit des