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LE MUSICIEN DE PROVINCE

L’interprétation fut au-dessous de tout, à l’exception d’une chanteuse qui donna l’importance qu’il fallait à la phrase dont M. Grillé avait si heureusement coupé le chœur langoureux du début.

La pièce informe et l’intrigue trop naïve ne pouvaient soulever un instant le rire, engendraient cette espèce d’inattention pire que l’ennui qui fatigue le spectateur et finit par l’irriter.

L’exiguïté de l’orchestre et les voix faibles des chanteurs luttaient avec le bruit ; les mots parvenaient au public comme à travers un orage et dans les moments d’accalmie n’en paraissaient que plus grêles.

La musique relativement savante de M. Grillé, faite plutôt pour adoucir la trivialité de l’œuvre que pour en augmenter le ragoût, s’évanouit dans ce milieu sinistre et bestial.

Le lendemain de la première, Bergeat et moi décidâmes de ne point dissimuler notre avis au compositeur. Nous savions qu’il n’assistait pas à la représentation et qu’il avait désiré garder l’anonymat.

Il avait instinctivement soupçonné le danger du taudis et de ses habitués.

Pourtant, à la cinquième représentation, il y en eut huit, M. Grillé se glissa dans une loge et voulut entendre Mandarinette.

La salle, ce soir-là, était à peu près vide.