Page:Martineau - Le musicien de province, 1922.djvu/53

Cette page a été validée par deux contributeurs.
50
LE MUSICIEN DE PROVINCE

un jardin dépendant de la maison. Je pus, durant une courte absence de M. Grillé, jeter les yeux de ce côté. Un mur très bas séparait le jardinet d’autres à peu près semblables, mais mieux cultivés. Au centre il y avait un petit massif de rosiers entouré de buis ; l’herbe poussait dans l’allée principale que traversait à hauteur d’homme un fil de fer sur lequel séchait du linge. De l’autre côté du mur, l’ordonnance d’un capitaine d’infanterie nettoyait des harnais et causait avec un voisin qui clouait une caisse ; j’entendais mal leur conversation ; assez cependant pour deviner qu’il s’agissait de l’Académie de Musique dont le titre effarant intriguait beaucoup le voisinage.

Cependant, à mesure que s’embellissait la demeure de M. Grillé, l’argent diminuait chez lui. Et je le vis tout à coup inquiet et nerveux, quand il s’aperçut que son héritage avait brûlé comme un feu de paille. Le désordre de ses leçons qu’il ne parvenait pas à donner au gré de ses élèves, quant à la régularité, augmentait son trouble. Il vieillissait et quoiqu’il fût très connu à Turturelle, n’obtenait pas le succès qu’il avait rêvé.

Toujours hésitant entre son admiration pour les classiques, et le goût persistant du public pour des fadaises, il sentait de plus en plus une disproportion trop grande entre l’art véritable et ce qu’il enseignait.

Notre orchestre n’existait plus. Un autre groupe