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LE MUSICIEN DE PROVINCE

beauté pour exprimer l’élévation de sa pensée. Et se penchant vers le père Turquey : « Je n’ai pas voyagé autant que vous, monsieur, fit-il, j’ai fait seulement quelques courts séjours en Allemagne et je suis certain que la musique allemande n’y est pas aussi bien comprise qu’elle l’est en France. Quant à la littérature, je crois qu’elle est encore moins sue que la musique, chez nos voisins. Partagez-vous, monsieur, mon avis sur ce point ? »

Ce fut alors que le ton de M. Turquey devint cassant. La naïveté douce de M. Grillé fit s’écrouler la modération du professeur d’allemand qui répondit : « Monsieur, il ne peut plus être question d’art et de littérature ; ces choses-là ont fait leur temps.

« Ah ! si le romantisme français n’avait pas considérablement retardé l’avènement de ce progrès formidable qui devra tout égaliser, tout niveler, on ne verrait déjà plus de poètes et l’inutilité de l’artiste ne ferait plus de doute.

« Mais cela viendra, il n’y aura bientôt plus de naïfs, Monsieur, ceci est fatal ! »

M. Turquey avait une manière de prononcer « fatal » qui faisait froid dans le dos. Il continua :

« Quant à moi, mon cours de littérature allemande ne consiste pas à faire goûter une page de Gœthe ou de Schiller, mais à donner sur l’Allemagne et ses efforts industriels un aperçu