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LE MUSICIEN DE PROVINCE

du peu de véracité de son dire lorsque la galerie protestait.

S’il eût été épris d’idéal, son imagination féconde lui eût fourni des vues et des moyens multiples, comme sa persévérance au travail des réalisations agréables et fortes.

Un matérialisme voulu entravait ses envolées. Je l’appelais quelquefois Esaü et j’entendais par là qu’il était vraiment un aîné quant au savoir et à l’intelligence, mais un aîné qui avait perdu tous ses droits pour qu’un plat fade lui fût immédiatement servi.

L’influence de M. Grillé sur moi ne lui avait pas échappé ; toute cette histoire de romantisme l’amusait. Il développa d’abord de son mieux ma fantaisie : « Le romantisme, me disait-il, c’est tout ce qui est beau ! » Il me prêtait des livres.

Un soir, il me lut Le Manchon de Francine. De ce que la nouvelle de Murger lui était tombée sous la main l’instant d’avant, il en grossissait l’importance et ce fut d’une voix grave, le sourcil froncé, le bras droit tendu et l’index levé qu’il commença : « Parmi les vrais bohémiens de la vraie Bohême, j’ai connu autrefois un garçon nommé Jacques D… »

Et Bergeat s’interrompit pour me dire : « C’est chic, hein, ce début ?… un garçon nommé Jacques D… »

Béatement, je répondais : « … Oui ! »