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LE MUSICIEN DE PROVINCE

a pour un garçon de quinze ans à manifester son enthousiasme, mais lorsque plus tard et malgré mes précautions, cet enthousiasme se révéla à mon entourage, ce furent encore Linfant et Turquey qui m’apprirent que j’étais romantique.

Lorsque Linfant m’accusait de romantisme, j’étais loin de me douter de ce que cela voulait dire. Linfant ne le savait pas très bien non plus. Peut-être avait-il pensé « romanesque » ? Il n’y avait pas longtemps que les deux mots avaient cessé d’être synonymes.

Ce que je voyais positivement, c’était l’abîme qui séparait Linfant et Turquey d’avec M. Grillé.

Quand Linfant me disait romantique, d’un air inquiet, comme s’il m’avait découvert une maladie, je ne répondais rien et l’on me trouvait froid parce que j’avais honte d’exposer devant un Linfant mon amour violent de l’Art et de la Littérature.

Quant à Turquey, je ne devais pas tarder à connaître sa vraie pensée.

Je causais librement avec M. Grillé, d’abord parce qu’il m’apprenait beaucoup de choses ; aussi parce que je devinais en lui une espèce de supériorité morale que je ne m’expliquai que beaucoup plus tard. Je sentais vaguement qu’il souffrait.