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LE MUSICIEN DE PROVINCE

l’existence de ce monde enchanteur, mais je ne pouvais concevoir son fonctionnement et ses palpitations.

Grâce à M. Grillé, la machine se démontait pour moi ; je voyais une partie de ses rouages ; l’utopie cessait.

Aux soirées du samedi, les auditeurs n’étaient pas les moins étonnants à observer, car ils ne savaient les uns et les autres comment manifester extérieurement l’effet produit sur eux. Devaient-ils admirer ou se moquer ?

Ils éprouvaient une gêne qui venait de leur inaptitude à se joindre à nous. Quelques-uns voulaient se rattraper en critiquant, entre autres le père Turquey, un professeur d’allemand auquel Bergeat, dans un but purement pratique, avait demandé des leçons ; bonhomme de cinquante à soixante ans qui, tous les ans, aux grandes vacances, voyageait en Allemagne, d’où il revenait farci de théories plus ou moins nouvelles sur l’éducation et l’instruction secondaire.

Turquey avait une façon souriante de dire « les arts d’agrément » qui m’exaspérait.

Il y avait aussi le père Linfant, un marchand de pétrole qu’irritait, sans qu’il s’en doutât, la profusion des bougies et l’éclat que leur lumière donnait aux corniches dorées du salon jaune ; car il vivait habituellement dans la quasi-obscurité d’une salle basse et humide où je me suis ennuyé assez souvent de dix à vingt ans.