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LE MUSICIEN DE PROVINCE

— « Monsieur, je vois, est musicien sans doute ? »

M. Grillé se présenta. Deux minutes après, l’institutrice reléguée dans un coin du break, contemplait, non sans terreur, les deux hommes transformés en énergumènes, et gesticulant à qui mieux mieux.

Il faisait grand vent. M. Grillé avait ôté son chapeau et l’avait calé au fond de la voiture ; M. Renard gardait le sien dans ses mains. Les cheveux de M. Grillé se tenaient tout droits sur son large crâne, ceux de l’abbé étaient tout défrisés, s’envolaient à droite et à gauche, faisant à sa tête ronde des ailes de condor.

Les deux exaltés parlaient à la fois, presque à l’unisson. Le cheval trottinait doucement, comme s’il avait compris que ces deux heureux ne demandaient qu’à prolonger leur bonheur :

— « Voici la première phrase de mon Kyrie », disait M. Renard et il chantait : « … mi bémol si ut ré ut… i… son… »

Et l’abbé, à la fin du trajet, avouait au professeur qu’il s’était un soir risqué dans une loge à l’Opéra de Paris pour y entendre Faust et qu’il était revenu enchanté de Gounod.

Quand la voiture s’arrêta sur la place Balzac, pour que descendit l’abbé Renard, ce furent des salutations et des poignées de main, des élans et des sourires de la part de M. Grillé, des compliments plus contraints du côté de l’abbé.

Dans la suite, M. Grillé fit assez souvent par-