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ment et surtout son véritable talent de démonstrateur, étaient vite découragés par ses irrégularités.

Si on les lui reprochait, M. Grillé le prenait de haut. Sans réfléchir aux conséquences, il écrivait aussitôt au mécontent que sa conduite n’avait pas à être discutée, que mille causes de retard l’empêchaient de mieux faire. Il citait une de ces causes et ajoutait : ab uno disce omnes. Car M. Grillé était grand citateur de lieux communs et trouvait plus pédagogique de les servir en latin.

À la fin de la lettre, invariablement, il déclinait l’honneur de donner des leçons à M. X… ou à Mlle Z… Ceux qu’il gardait pourtant, ne regrettaient pas leur persévérance et on pouvait, en se pliant à certaines négligences et à quelques manies, apprendre avec lui beaucoup. Il faisait aimer la musique, communiquait son enthousiasme, vous faisait toucher du doigt les beautés, simplifiait, autant qu’il était possible, le mécanisme. Il donnait des leçons d’harmonie, de solfège, de piano, de violon et de chant. M. Grillé avait des inventions à propos desquelles des gens grognons s’empressaient de lui tourner le dos. Elles n’avaient de ridicule que la manière dont M. Grillé les présentait.

Un jour, je remarquai sur son piano une planche d’un bois grossier qui, appuyée sur deux supports placés aux extrémités du clavier,