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LE MUSICIEN DE PROVINCE

bien qu’il ne prit jamais la peine de déchiffrer autre chose que cette ouverture qui aurait dû faire naître en lui un vif désir de connaître mieux Wagner.

Il disait, à propos d’un confrère qui avait fait le voyage de Bayreuth : « On peut toujours trouver cela beau quand on n’y comprend rien ! »

Que voulez-vous ? M. Grillé ne différait pas en cela des autres musiciens de son époque. Il fut vers 1850 élève au Conservatoire où, en 1880, César Franck était encore un méconnu. M. Grillé ne pouvait pénétrer dans un théâtre sans voir s’affirmer la gloire d’auteurs médiocres. Il était abonné à une revue musicale où l’on faisait semblant d’admirer les classiques auxquels ladite revue consacrait une vingtaine de lignes par numéro alors que des colonnes entières racontaient le nouveau succès de l’Africaine au grand opéra où un ténor venait ce débuter, acclamé par ce que l’on supposait être l’élite des connaisseurs.

Et puis, il y avait le public et les élèves, tout un monde d’honnêtes gens abrutis de sentimentalisme grossier, avides de virtuosité et désireux de ne faire aucun usage de la faculté de penser.

Évidemment, si M. Grillé s’était donné la peine de comparer, il était assez instruit pour discerner au milieu de tous ces opéras qu’il avait piochés pour en diriger l’exécution dans