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Le Musicien de province



I


Ma première rencontre avec M. Grillé coïncida très exactement avec le développement de mes premiers enthousiasmes. J’avais quatorze ans et détestais déjà toutes les espèces de jeux et toutes les sortes de sports. Lire et flâner me paraissaient être le but de la vie et ces deux fonctions constituaient pour moi un paradis sans limites apparentes qu’il s’agissait seulement d’orner à ma convenance, à l’aide des éléments soi-disant fragiles et j’en conviens, souvent factices qui se découvrent dans les livres et le monde civilisé.

Ayant la chance inappréciable de n’être pas sentimental, mes désirs étaient positifs et mes jouissances réelles. Ayant le malheur de n’être pas croyant, je n’entrevoyais pas la nécessité de chercher la vérité au milieu de toutes ces splendeurs qui donnaient satisfaction à ma curiosité.

L’intensité de mon plaisir me faisait supposer qu’il durerait éternellement.

La musique tenait encore une place assez res-