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Tout ce que je vous demande en grâce, si vous êtes obligé d’en venir là, c’est de ne tirer de lettres de change sur moi qu’à cinq ou six mois de vue, afin que j’aie le temps de me retourner. Voilà, Monsieur, tout ce que je puis faire pour cet article, trop heureux, quand je ne devrais jamais en être remboursé, d’avoir pu vous tirer du danger que vous me présentez avec des couleurs qui me font bien repentir de cette entreprise dont je n’attends plus que du chagrin. » (A. V. 3754).

C’est la première fois que Dupleix montrait du découragement ; ce fut aussi la dernière. La catastrophe de Trichinopoly l’avait moins accablé. C’est qu’il sentait qu’en perdant le Décan, il perdait tout : la base de son autorité s’effondrait et Mahamet Ali pouvait impunément se proclamer le seul nabab légitime ; avec lui triomphaient les Anglais. Vainement Bussy lui écrivit-il que, malgré les incertitudes de la lutte, il était parti au devant de Gaziuddin avec des renforts, Dupleix estimait que c’était de la la témérité :

« Vous avez, lui disait-il, tout à craindre et rien à espérer. L’ami comme l’ennemi, tout vous est suspect et cependant vous vous êtes mis en marche. C’est bien le cas où il faudra dire : Audaces fortuna juvat. Je le souhaite en vérité, mais j’aurai bien des alarmes, avant que d’être tranquille sur votre compte. »

À vrai dire Dupleix n’était ni confiant ni découragé ; trop éloigné du théâtre des opérations, il passait en revue tous les expédients que lui suggéraient ses appréhensions plutôt que la connaissance exacte des réalités, mais dans notre malheur même il voyait déjà des lueurs d’espérance. Il ne lui paraissait pas impossible que par une révélation nouvelle de son génie Bussy nous tirât de ce mauvais pas ; il y avait un moyen : c’est que Gaziuddin victorieux laissât à Salabet j. le pays au sud de la Quichena ; alors les difficultés avec Mahamet Ali et les