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qu’aux chefs. Tandis qu’à partir de 1751, après le départ de La Touche pour France, nous n’eûmes plus qu’un capitaine digne de ce nom pour conduire nos hommes à la victoire et que ce chef se trouva immobilisé dans le Décan, les capitaines qui servirent dans le Carnatic ne firent preuve d’aucune initiative et peut-être n’avaient-ils pas les qualités suffisantes pour accuser une personnalité. Intimidés et comme paralysés par les ordres de Dupleix qui leur arrivaient trop directement et trop vite, ils n’osèrent jamais complètement substituer leur autorité à la sienne et se virent souvent réduits à exécuter des manœuvres qu’ils ne comprenaient pas et que parfois ils désapprouvaient. Tout ce que put faire le meilleur d’entre eux, Mainville, fut de restaurer notre prestige compromis par l’affaire de Sriringam ; il fit quelques expéditions heureuses et bien combinées. Les Anglais au contraire eurent deux chefs qui furent pour eux dans le Carnatic ce que Bussy fut pour la France dans le Décan ; malheureusement c’est à Trichinopoly et non à Haïderabad que se joua la partie de Dupleix et la nôtre. Ces deux hommes sont Clive et Lawrence et, bien qu’ils aient été pour nous des adversaires qui nous ont tout fait perdre, c’est un devoir de reconnaître que par leurs méthodes, leur sang-froid, leur initiative, leur habileté, leur audace, enfin par cette sorte d’instinct qui caractérise les natures élevées, ils eurent aisément raison de nos chefs timides, discuteurs et irrésolus. Il n’appartenait évidemment pas à Dupleix de produire des génies ; aussi fût-ce une fatalité de sa carrière plutôt qu’une erreur personnelle de n’avoir pas découvert ou suscité le chef qui eût pu contrebalancer la supériorité du commandement anglais ; il n’eut jamais que de la fausse monnaie à opposer à une valeur de bon aloi.