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montra prête à faire à nos adversaires les plus humiliants sacrifices, ne mérite aucune admiration ; en ce qui concerne Dupleix, on ne peut lui reprocher de ne pas l’avoir compris, c’est Dupleix lui-même qui ne lui donna pas toujours les moyens d’avoir confiance en ses déclarations ; en ses lettres comme en rapports il lui dit rarement toute la vérité et la contradiction avec les faits ne tarda pas à apparaître. Le remarquable exposé doctrinal de sa politique qu’il envoya le 16 octobre 1753 arriva trop tard pour modifier les décisions prises : Godeheu était embarqué depuis plusieurs mois.

Dupleix joua donc pour ainsi dire un jeu désespéré lorsque, sans l’assentiment de la Compagnie et même contre son gré, il se lança avec Chanda S. dans une entreprise particulière qui devait l’amener peu à peu à l’idée d’un vaste empire dont la France bénéficierait. Sans doute soutint-il la lutte avec une inlassable confiance, une ténacité merveilleuse et une admirable diplomatie ; il ne se découragea jamais, même dans les situations qui paraissaient les plus désespérées et par certains côtés il mérite d’être comparé à Napoléon dont il devança les conceptions gigantesques en s’attaquant au même ennemi sur un autre terrain, aussi vaste que l’Europe elle-même. Cet ennemi les a d’ailleurs exaltés l’un et l’autre dans un même hommage et il les confond encore aujourd’hui dans un même sentiment d’admiration. Hommage tout naturel ; n’ont-ils pas en effet préparé l’un et l’autre la grandeur de l’Angleterre par leurs échecs retentissants ? Il n’en est pas moins vrai que par son défaut d’entente avec la Compagnie au début des opérations puis par leur mésintelligence persistante, Dupleix suscita lui-même les obstacles qui devaient entraver son œuvre et précipiter sa