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Amené à justifier cette prolongation des hostilités, Dupleix eut peut-être le tort de ne pas dire à la Compagnie toute la vérité : il ne cessa de lui représenter les événements sous le jour le plus favorable et la paix comme très prochaine. Faut-il le lui reprocher ? C’est moins un problème de morale que de politique. L’Histoire nous apprend que les empires coloniaux de la France et de l’Angleterre ne se sont parfois développés que par une large interprétation des ordres ministériels. Nous nous garderons donc bien de faire un reproche capital à Dupleix d’avoir dissimulé la vérité ; mais, lorsqu’on prend une pareille responsabilité, il faut avoir en main tous les éléments de succès, sinon on doit subordonner sa politique à ceux dont on dispose. En se passant du concours de la Compagnie, à la date du 13 juillet 1749, où tout l’avenir se trouva engagé, Dupleix devait calculer s’il aurait assez de troupes et d’argent pour conduire son entreprise jusqu’au bout. Comme le disait excellemment Sully à Henri IV, à propos de l’expédition de Clèves et Julliers, que ce prince préparait en 1610 : « Il reste à considérer si vous avez des moyens suffisants pour continuer la guerre sur le même pied que vous allez la commencer, tant qu’il sera nécessaire qu’elle dure. » Dupleix le crut sans doute, puisqu’il pensait que la guerre n’aurait qu’un temps très limité, mais il est non moins vrai qu’il se trompa. La guerre, en se prolongeant, épuisa rapidement les revenus des provinces où elle se passait et s’il put continuer d’écrire à la Compagnie que les conquêtes qu’il faisait en son nom non seulement paieraient tous les frais mais lui procureraient encore des fonds pour alimenter le commerce, cela ne pouvait être vrai que dans un état de paix ; en attendant, c’est avec des avances et des emprunts personnels que Dupleix dut entretenir les