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une grande émotion : à part quelques fonctionnaires, fatigués de son autorité, la majeure partie de la population désirait son retour et comptait qu’il reviendrait prendre son poste dans le courant de 1756. C’était donc d’une simple absence qu’il s’agissait. L’attitude faible et inconsistante de Godeheu à l’égard des Anglais, bien qu’elle ne se fût pas encore traduite par aucun acte décisif, laissait craindre des abandons injustifiés de territoire et des sacrifices de prestige plus durs encore. Le gouverneur en disgrâce bénéficiait de ces sentiments ; par réaction, on ne se résignait pas à admettre que le roi pût ne pas le renvoyer dans l’Inde. Sans doute quelques intérêts personnels dictaient aussi ces sentiments : Dupleix gouvernait Pondichéry depuis si longtemps que presque tous les employés civils ou militaires de la Compagnie s’étaient habitués à le considérer comme leur soutien unique et nécessaire. S’il ne revenait pas, c’était tout un ensemble de situations et d’intérêts compromis ou détruits. Peu de fonctionnaires manifestèrent hautement leur joie de sa disparition et ce n’étaient ni les plus consciencieux ni les plus disciplinés. Quand on aura cité les noms de Boyelleau, Barthélemy, de Brain, Sornay, Solminiac et du Saussay, auxquels s’ajoutèrent l’année suivante ceux de Lenoir et de Desvaux, venus du Bengale avec Duval de Leyrit, on aura épuisé la liste des mécontents. Encore n’y eut-il pas de leur part ce déchaînement de passion ou de haine, qui suit quelquefois le maître dépossédé ; ses ennemis eux-mêmes craignaient qu’il ne revint. La prudence retint des commentaires hostiles ou désobligeants.

Il serait trop long de relever toutes les manifestations de regret que suscita son départ. S’il y en eut d’intéressées, il y en eut aussi de fort touchantes et celles des