Page:Martineau - Dupleix et l’Inde française, tome 4.djvu/430

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de vous-même le parti de retourner en France, suivant la permission que vous en avez demandée ci-devant et que vous attendiez quelqu’un pour vous remplacer, quoique vous n’en eussiez rien témoigné. Je m’y prêterai très volontiers pour vous marquer jusqu’où va ma parfaite considération pour vous. C’est même une espèce de dédommagement de la peine que j’ai ressentie en me voyant chargé de cette commission et de ce que le choix est tombé sur moi plus que sur tout autre, puisque je me trouve par là en état de vous rendre un service, qui ne serait peut-être pas venu dans l’esprit de bien d’autres. »

On ne peut que s’imaginer les sentiments qui assaillirent Dupleix lorsqu’il lut cette lettre, et que s’ouvrit brusquement devant lui le vide de toutes ses espérances ; malgré les bruits qui couraient depuis trois jours, il ne croyait pas à la possibilité de son rappel et Arnaud, qui l’ignorait lui-même, n’avait pu le préparer à ce douloureux sacrifice d’amour-propre.

D’après une lettre à Savalette du 8 septembre, Dupleix comptait rester encore une année dans l’Inde, « pour donner tous ses soins à l’opération pour laquelle on envoyait Godeheu, l’éclairer de ses lumières et l’aider en tout. » (B. N. 9151, p. 197-198). La désillusion fut brutale. Un autre que Dupleix eut peut-être perdu toute présence d’esprit ; son visage ne trahit aucune émotion et s’il n’alla pas jusqu’à crier Vive le Roi ! — ce qui eut été excessif — il fit preuve d’un tel sang-froid que Godeheu lui-même ne put s’empêcher de lui marquer son étonnement. Il est vrai que dans une autre lettre à Montaran, également du 8 septembre, Dupleix nous apprend que depuis le jour où il avait appris l’envoi d’un commissaire, il était préparé à tout ce qui pouvait lui arriver de disgracieux. Son rappel ne l’avait donc qu’à moitié surpris, et cependant il n’y comptait pas.