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Cette lettre témoigne, à n’en pas douter, d’un grand désir de conciliation et sans doute les avertissements reçus de France n’étaient pas étrangers à sa teneur. Quels pouvaient être les sentiments de Godeheu ?

En acceptant, un an auparavant, d’être envoyé dans l’Inde, il pouvait croire qu’il n’apporterait à Dupleix ni disgrâce ni rappel ; mais depuis qu’il avait ouvert en mer ses instructions secrètes, il savait qu’il avait ordre d’embarquer le gouverneur, au besoin de le faire arrêter. Rarement situation plus tragique fut imposée à la conscience humaine. Certes, entre les droits de l’amitié et ceux de l’État le choix ne pouvait être douteux ; mais c’est surtout au théâtre que ces conflits se rencontrent. Le drame était aujourd’hui une réalité. Godeheu ne pouvait évidemment répondre à Dupleix avec la même cordialité confiante ; il se tira de la difficulté avec une extrême prudence. Le soir même de son arrivée, il envoya à terre son secrétaire Clouet avec une lettre pour faire savoir et expliquer au gouverneur qu’il ne pouvait accepter sa proposition et qu’il ne débarquerait pas avant d’avoir un logement particulier. Le coup fut sensible à Dupleix, qui cependant déclara trouver bonnes les raisons invoquées et se mit aussitôt en mesure de chercher pour lui-même une autre habitation : le gouvernement étant, disait-il, la seule demeure qui convint à Godeheu. Dans la matinée du 2, il retint une maison appartenant à du Bausset. Mais, par un échange de bons procédés, le commissaire ne voulut pas à son tour déposséder Dupleix et, après bien des politesses, il fut convenu que ce serait lui qui occuperait la maison de du Bausset et que Dupleix resterait au gouvernement.

La matinée du 2 août avait été consacrée à régler ce petit débat, qui, malgré toute la délicatesse apportée de