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qui lui était cher et qui adopterait sans doute ses projets et consoliderait son autorité. Les bruits qui couraient à bord des navires arrivés depuis deux jours étaient, il est vrai, tout différents puisqu’on parlait couramment de rappel ; mais ce n’étaient après tout que des bruits ; ils pouvaient être faux. Aucune des lettres qu’il avait reçues depuis trois mois n’indiquait à Dupleix que pareille mesure eût été prise. Sans doute l’envoi de Godeheu ne pouvait, à tout prendre, être considéré comme une marque de confiance ; mais la famille du gouverneur avait accepté la nécessité de cette mission pour calmer l’opinion inquiète et les actionnaires alarmés ; ses autres correspondants lui représentaient que les événements pouvaient et devaient se tourner en son honneur s’il accueillait le commissaire avec bonne grâce et voulait faire à la paix les concessions indispensables ; enfin Arnaud allait lui apporter les moyens de concilier toutes les exigences.

Dupleix résolut donc de recevoir Godeheu comme un ami sincère, qui venait l’assister plutôt que l’entraver ou le combattre, et, sitôt que le Duc de Bourgogne fut en rade, il lui fit porter la lettre suivante :

Pondichéry, le 30 juillet 1754.

« La lettre que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire de l’Île de France, sans date, m’a été remise, hier après-midi, par M. D’Après[1] qui en même temps me fit part de la rencontre qu’il avait faite de vous sous Ceylan et m’annonçait aussi votre prochaine arrivée. Cette nouvelle n’a pas peu servi à me rétablir du cruel état où je me suis trouvé vendredi dernier, dont, grâces à Dieu, les suites ne sont qu’une extrême faiblesse, qui cessera aussitôt que j’aurai la satisfaction d’embrasser un

  1. D’Après de Manevilette, commandant du Montaran, parti de France le 31 décembre 1753 en même temps que Godeheu, se rendait en Chine.