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grand inconvénient d’avoir un chef dans l’Inde, qui aurait des vues différentes de celles de sa Majesté. »

Les craintes au sujet de Bussy étaient d’une autre nature. Les officiers et soldats en service dans le Décan touchaient de grosses soldes, lesquelles seraient réduites à la côte ; il y avait donc lieu de redouter de ce fait quelques mécontentements ; Bussy lui-même, si sceptique qu’il fût sur l’utilité de l’occupation du Décan, pourrait supporter difficilement d’être dépouillé d’une autorité qui était presque celle d’un monarque. Delaître envisageait que Godeheu devrait l’amener par la douceur à se conformer aux ordres du Roi et suggérait de lui promettre le gouvernement des nouvelles concessions avec une gratification considérable et un grade militaire assez élevé pour flatter son amour-propre.

Delaitre termine son mémoire en ajoutant qu’il se pourrait toutefois que l’arrivée de Godeheu et celle de l’escadre anglaise dans l’Inde eussent totalement modifié la solution sur laquelle ses réflexions étaient fondées. Ce n’est qu’à tout hasard qu’il a traité de la situation telle qu’elle résultait des événements connus en France au début de 1755.

Sans nous livrer à une discussion purement académique pour savoir si Delaître a sagement raisonné, nous relèverons seulement que son mémoire est écrit avec une impartialité indéniable. Il a même modifié complètement sa manière de voir de 1751, où il se défiait d’ambitions trop vastes ; il a adopté le programme de Dupleix sur l’utilité d’avoir dans l’Inde des revenus suffisants pour se passer des fonds d’Europe ; il condamne la limitation de nos efforts et de notre domination à quelques points isolés et, s’il n’est pas pour l’occupation du Décan lui-même, il défend énergiquement la possession des 4 circars et des provinces de Mazulipatam, Narzapour et Condavir, — ce qui n’est pas d’un pacifisme très timoré. Et quoique ce mémoire n’ait abouti en définitive qu’à exprimer les