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Delaître rédigea encore dans le même temps un long mémoire sur ce qui s’était passé dans le Décan depuis 1740 jusqu’à la mort de Nazer j. En cet écrit où il continue à se méfier de l’ambition de Dupleix, il conseille aussi de le rappeler sous quelque prétexte honnête, de crainte, en agissant trop ouvertement, de le pousser à la rébellion.

Les suggestions de Delaître restèrent provisoirement lettre morte. Nous n’avions pas encore éprouvé dans l’Inde de revers sérieux ; la fortune paraissait au contraire nous favoriser ; avec quelque chance, il pouvait encore arriver que, contre toute prévision, la politique de Dupleix vint à triompher. La Compagnie n’entendait pas se priver avant l’heure des bénéfices qui pouvaient résulter de nouveaux succès. Aussi le ministre se contenta-t-il d’enregistrer, sans donner suite à aucune d’elles, les réflexions qui lui avaient été soumises. On notera seulement en passant que, pour remplacer Dupleix, Delaître avait déjà prononcé le nom de Godeheu, directeur de la Compagnie à Lorient, qui, quinze ans auparavant, avait fait un long voyage en Chine et dans l’Inde. L’idée devait faire son chemin.

La crainte que les guerres de l’Inde eussent leur répercussion en Europe où la paix était mal assurée avec l’Angleterre, était la principale cause des défiances à l’égard de Dupleix ; les considérations commerciales ne venaient qu’en second lieu. Il se mêla malheureusement à ces motifs de suspicion d’ordre politique un sentiment d’une nature plus délicate. Si la Compagnie avait reçu des accroissements de territoire fort importants pour prix du concours donné en son nom à Chanda S. et à Muzaffer j., Dupleix et sa famille ne s’étaient pas laissés oublier. Sa femme, la jeune Chonchon et lui-même