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son caractère aux circonstances et sans cesser d’être distant et quelque peu sceptique sur les qualités de ceux qu’il protégeait, il s’était fait plus souple, plus conciliant et plus « affable », suivant l’expression de Dupleix. Il évitait de s’imposer au soubab ou à ses ministres par des audiences répétées ; mais en toute affaire un peu importante, sa main « invisible et présente » leur faisait sentir son pouvoir occulte. Il savait comment traiter avec les grands seigneurs indiens tout à la fois si démonstratifs et si indifférents, et sans être leur dupe, leur témoigner une déférence apparente que ne justifiaient pas toujours leurs titres ou leurs vertus. Il paraissait leur laisser l’initiative des actes qu’il inspirait et, en flattant ainsi leur amour-propre, il obtenait plus aisément les concessions ou les avantages dont il avait besoin. Personnellement ennemi d’un faste inutile, il n’hésitait pas cependant dans ses rapports avec le soubab à se présenter toujours devant lui avec un cérémonial éblouissant, conforme aux habitudes et aux traditions des Indiens. En ses audiences même privées toute simplicité était proscrite ; il fallait qu’il apparût avec la majesté du souverain et du pays dont il était le représentant. Il se riait d’ailleurs lui-même de ce formalisme, et comme il l’écrivit un jour dans une heure d’abandon, il se promettait d’en rire davantage encore lorsqu’il serait revenu en France et qu’il évoquerait dans les jardins du Palais Royal ces souvenirs de pure vanité. Si l’on pouvait adapter aux choses du passé des expressions modernes, on pourrait dire que nul ne sut manier avec plus d’habileté et de délicatesse les formules du protectorat ou de l’administration indirecte.


Bussy n’exécuta pas les menaces apparentes de Dupleix