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moins préoccupé d’avoir Ragogy pour ami que de ne pas l’avoir pour ennemi. Situation assez délicate, car il ne fallait pas paraître le craindre ni mendier sa protection. Bussy apprit ainsi que Ragogy songeait à faire la guerre à Viziam Raja, pour une injure remontant à quelques années : après plusieurs conférences, Ragogy promit d’oublier le passé. Les conditions de la paix furent peu onéreuses pour le Marate. Ragogy devait donner cinq laks argent comptant et restituer à Lasker kh. les territoires qu’il lui avait pris. Bussy pensait bien que la première condition tout au moins ne serait jamais exécutée.

Cette paix fut conclue vers le 10 avril. Il restait maintenant à ramener les troupes à Haïderabad puis les conduire à Mazulipatam. Ce fut une rude affaire. Faute de paiement, l’armée ne voulait absolument pas marcher : des cipayes désertaient ; d’autres vendaient leurs armes pour subsister et il était impossible de trouver à emprunter. Aussi Bussy se déclarait-il résolu à ne plus se remettre en campagne pour un motif quelconque, s’il n’avait une base assurée, où il put régulièrement trouver les fonds et opérer dans son armée les réformes devenues absolument indispensables ; or cette base ne pouvait être que nos nouvelles provinces. C’était encore le moment (fin avril), où il était en discussion avec Dupleix sur les fondements de sa politique, la nature de ses pouvoirs et la durée de son séjour dans l’intérieur du pays. Sur ce dernier point, il consentait bien à rester dans le Décan jusqu’à ce que tout fut dans la perfection, mais alors, disait-il, il faudrait qu’il y restât toute sa vie et même une vie double ; encore n’en verrait-il pas la fin.

Le refus des troupes de marcher immobilisa Bussy près de trois semaines et notre prestige diminuait avec nos embarras. On commençait à se moquer de nous dans tout