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pays avec 4.000 cavaliers et 30.000 pions. Lasker kh. lui conseillait en secret la résistance, lui disait d’imiter la conduite de Mahamet Ali dans le Carnatic, et lui recommandait de s’entendre coûte que coûte avec Viziam Raja pour nous barrer le chemin. Au grand désespoir de Moracin, celui-ci écoutait ces propositions sans rien accepter ni rejeter. Les Anglais et les Hollandais appuyaient naturellement Jaffer Ali et le chef de Nelepelly lui fit passer quelques soldats. Au milieu de ces incertitudes l’anarchie la plus complète régnait dans le pays ; ni l’autorité du soubab ni celle de Bussy ne faisaient impression nulle part ; personne ne tenait compte des ordres reçus. Les fermiers et les zémidars de la veille, se doutant que leur règne allait finir, profitaient de l’absence de l’autorité nouvelle pour faire argent de tout : on coupait les grains à peine murs et on les vendait à n’importe quel prix. La misère risquait ainsi de s’abattre sur le pays.

En envoyant Ibrahim kh. et Dugrez à la côte avec quelques forces, Bussy ne doutait pas un instant qu’il dût amener la pacification du pays, mais en recourant aux négociations plutôt qu’à la force.

« J’ai pour moi, écrivait-il à Dupleix le 7 février, une réputation contre laquelle ce qui s’appelle gens du pays ne tiendront point ; quoique cela serve partout, ici plus qu’ailleurs on en fait usage et c’est presque toujours par là qu’on réussit. » Et il ajoutait le 26 février : « Il faudrait connaître l’étendue de la négociation, la délicatesse des affaires dont j’ai été chargé depuis que je suis entré dans le ministère des Maures pour convenir des peines que j’ai eues et être en même temps surpris du point de perfection où j’ai eu le bonheur d’amener les affaires. Il n’y a que vous, Monsieur, qui soyez en état de me rendre justice à cet égard. »