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désespérant de se trouver dans une pareille position et je ne vous ai point caché combien j’ai eu le cœur ulcéré.

« Je ne balance plus, je vais prouver à M. Dupleix qu’aucun motif personnel n’est la règle de ma conduite. La démarche que je fais aujourd’hui en est la preuve évidente puisque je sacrifie en cette occasion mon repos, ma santé, peut-être ma vie, et ce qui m’est plus cher que tout le reste, une partie de ma réputation… »

Quoiqu’il eût dit adieu à Moracin la veille, Bussy lui demandait formellement son avis sur les deux points suivants :

« Si après avoir tenté tous les moyens possibles d’assurer la paye de mes troupes je n’en puis venir à bout, ai-je d’autre parti à prendre que celui de la retraite ?

« Forcés à nous retirer si je ne puis obtenir du nabab de quoi défrayer la troupe dans la route, dois-je emprunter au nom de la Compagnie, ou lever des contributions dans tous les endroits de notre passage ?

« Ces extrémités sont fâcheuses et vous devez bien penser que je ne négligerai rien pour les éviter, mais il faut tout prévoir. » [1] (B. N. 9158, p. 88).

  1. Voici en substance quelle fut la réponse de Moracin. Il comprenait parfaitement qu’après les succès qu’il venait de remporter et à la fleur de son âge, Bussy désirât rentrer dans sa patrie pour relever sa famille et servir sous les yeux d’un autre maître, au lieu de retourner « au milieu d’une nation perfide à qui les trahisons les plus noires ne coûtent rien et qui en fait en quelque sorte la base de sa politique » et d’aller secourir un jeune prince qui compte presque autant d’ennemis que de sujets et n’a point d’argent pour se créer un parti. Mais c’était un coup de partie pour l’avantage de la Compagnie de conserver encore quelque temps nos troupes auprès du soubab. Bussy seul était capable de le faire en reprenant le projet de nous faire céder les provinces d’Ellore et de Rajamandry. S’il obtient ce résultat, quel rôle ne va-t-il pas jouer ? Tout ce qui s’est passé n’est rien auprès de ce qu’il pourra faire par la suite. « Marchez donc avec confiance, souvenez-vous de César au passage du Rubicon. Vous êtes en meilleur chemin qu’il n’était alors. »

    Quant aux deux questions posées par Bussy, il répondait à la