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pour le remplacer, il se croyait assuré de triompher avant un mois.

Il n’eut pas moins de mécomptes avec son armée. Les soldats qu’on lui envoya de France furent toujours mal recrutés, ignorants de leur métier et sans résistance physique. Engagés pour faire un séjour dans l’Inde plutôt que pour y faire la guerre, ils réagirent très mollement devant l’ennemi ; cependant les principaux déboires qu’éprouva Dupleix vinrent de ses officiers. Ils étaient moins soucieux de se battre que de gagner de l’argent ; lorsqu’à la suite d’une action d’éclat, ils avaient obtenu des gratifications importantes, ils cherchaient à rentrer en France ; s’ils ne pouvaient rien espérer, ils ne s’engageaient jamais à fond au cours d’une bataille ; parfois ils désertaient. À part Bussy et Mainville qui furent de véritables chefs, — le premier surtout — tous les autres ne donnèrent que le spectacle de la plus lamentable faiblesse ou de la plus coupable indécision. Il ne semble pas qu’aucun d’eux ait manqué d’intelligence ; mais à quoi sert l’intelligence sans le caractère, le bon sens et la volonté ? On vit alors se passer dans l’Inde ce qui se passa en Europe avec nos armées au cours de la guerre de succession d’Autriche et devait se manifester plus gravement encore pendant la guerre de Sept ans : peu de discipline et beaucoup d’apathie.

Ces défauts, il est vrai, étaient à peu près les mêmes du côté des Anglais ; pas plus que nous, ils ne reçurent d’Europe de l’argent pour faire la guerre et, faute de ressources, ils ne trouvèrent pas dans l’Inde des troupes auxiliaires assez nombreuses pour nous écraser ; d’autre part leurs armées d’Europe ne valurent guère mieux que les nôtres. Mais ils eurent l’heureuse fortune de rencontrer deux chefs incomparables, Clive et Lawrence, qui