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semble au premier abord, lorsque l’on juge des événements par l’éclat des batailles ou la gloire des combats. Une armée ne se bat bien que si elle est bien nourrie. Les cipayes de l’Inde ne marchaient que si on les payait. Dupleix eut vraiment besoin d’une grande force de caractère pour dominer toutes les difficultés qui se présentaient à lui à chaque instant et qui finirent, non par l’acculer à un désastre, mais par l’empêcher de vaincre et de triompher.


Tels étaient les moyens militaires avec lesquels Dupleix se proposait d’engager la politique d’extension territoriale née à la fois des circonstances et de son tempérament personnel.

Rien d’homogène dans cette armée. Ces 20 à 25.000 hommes qui se dispersèrent à travers le Décan et le Carnatic étaient, en infime minorité, moins d’un dixième, des Français, des Suisses, des Allemands, des Portugais ; la masse des troupes était indigène. Ainsi, autour d’un bien faible noyau européen, d’ailleurs de mauvais recrutement et sans instruction militaire, des milliers de cipayes évoluaient à pied ou à cheval, indolents, indisciplinés, razziant le pays, et pourtant indispensables. Pour encadrer tout ce monde, des officiers envoyés de France par la faveur et des chefs indigènes à demi-indépendants les uns et les autres, attirés par l’appât de l’argent. Une telle armée enfoncée à des centaines de kilomètres à l’intérieur des terres n’eût pu réussir à s’y maintenir plusieurs années sans une volonté énergique pour la diriger et l’administrer et sans une âme pour la guider dans sa mission et son action. Cette volonté, cette âme, c’est Dupleix et c’est Bussy, l’un concevant les plans de campagne, veillant à tout, précis, réfléchi,