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nemi ; ils préféraient le harceler. Là, les occasions de se faire tuer étaient plus rares ; ils avaient des familles auxquelles ils songeaient. Pour stimuler leur courage, un de leurs capitaines, Ali kh., demanda en février 1753 à Dupleix une promesse par écrit d’assurer la paie de tous ceux qui pourraient être très ou dangereusement blessés à eux ou à leur famille et proposa en même temps de casser les capitaines et officiers qui ne feraient pas leur devoir. Dupleix acquiesça à ces demandes et promit en même temps aux officiers et aux soldats une bonne gratification si, par leur zèle et leur bravoure, on venait à bout de détruire l’ennemi.

Malgré ces encouragements, la lenteur ou l’insubordination des cipayes fit plusieurs fois manquer des opérations. Les encouragements comme les objurgations n’avaient pas de prise sur leur nature indolente et après tout indifférente à nos intérêts. Bien qu’on fût au xviiie siècle, le siècle d’un pouvoir soi-disant absolu, la volonté du commandement s’arrêtait toujours au fonds d’indépendance qui est au cœur de chaque homme et avec lequel toute autorité doit compter. Quoiqu’il les traitât au privé de coquins, de fripons ou de canailles, Dupleix n’en était pas moins tenu de composer avec leur esprit particulier et avec leurs exigences. Lorsque par exemple la solde tardait, même d’un jour, ils murmuraient et, si le délai se prolongeait, ils se mutinaient. La régularité des comptes devenait une des conditions nécessaires du service. Que pouvait Dupleix contre ces auxiliaires, de si basse caste fussent-ils ? Les chasser ? il n’eût pas trouvé une autre armée. Il était donc obligé de céder et il cédait… en s’imposant à lui-même d’être très exact dans l’envoi des fonds. Si on lit en détail sa correspondance, on est douloureusement impressionné par les difficultés sans