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ils demandaient à servir de préférence dans les places fortes comme Gingy, où les risques étaient moins grands. Dupleix le leur accordait. Ce qu’il désirait avant tout, c’était d’accroître ses effectifs[1] ; dans ce but il offrait 20 rs. par mois aux fantassins et 200 rs. aux dragons qui viendraient avec leurs armes et leurs chevaux. Il chercha même un instant à constituer avec les déserteurs étrangers une compagnie dont il confia le commandement à un officier anglais, nommé Murray, mais il ne put jamais la compléter. Les Anglais au contraire ne retenaient aucun déserteur français dans l’Inde ; ils les envoyaient tous à Bancoul, île de Sumatra.

Les causes de désertion étaient presque toujours les mêmes, les mauvais traitements. Nous avons à cet égard une curieuse lettre de Dupleix à Maissin du 16 février 1753 :

« Vous n’êtes pas persuadé, lui disait-il, que les coups de canne contribuent à la désertion. Mon sentiment ne s’accorde point à ce sujet avec le vôtre, surtout quand ils sont donnés par une personne que l’on sait avoir été soldat comme l’a été la Garenne… De plus vous ignorez tous ceux qui sont distribués par ce nombre de jeunes gens qui croient ne faire sentir leur autorité qu’à force de coups. Le soldat n’est point un esclave ; il est comme l’officier sujet du roi et les lois ont prescrit les châtiments que chaque faute mérite : que ces lois soient exécutées, le soldat ne se plaindra pas ; d’ailleurs le français n’aime point à être battu et le soldat fait officier bat toujours plus qu’un autre. Je ne suis pas fâché au reste que le soldat pense que je veille sur lui et sur les châtiments que l’on distribue avec aussi peu de réflexions que tous ces jeunes gens sont capables de faire. La plus mauvaise marque d’autorité que

  1. « Un homme de pris bon gré mal gré, c’est toujours un homme de moins chez l’ennemi ». (Dupleix à Law, 10 décembre 1751.)