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oncle demande que son neveu qui a un penchant décidé pour le crime, ne soit pas compris au nombre des prisonniers auxquels on permet de s’engager, de peur qu’il ne commette quelque action déshonorante.

C’était généralement un capitaine attitré qui faisait les engagements. À notre époque, il se nommait Boucher et ce Boucher ne paraissait nullement gêné par la besogne qu’il accomplissait. Il écrivait à Berryer, lieutenant de police, le 30 octobre 1755 : « Si le peu de fortune m’oblige à faire le métier de recruteur, mes sentiments m’éloignent des qualités de racoleur ; ma façon de travailler jusqu’à présent prouve ce que j’ai l’honneur de vous avancer et passez-moi s’il vous plaît le proverbe : Il y a d’honnêtes gens partout. »

Lorsqu’on avait engagé plusieurs détenus, on les dirigeait sur Lorient par petites étapes, enchaînés les uns aux autres, pour qu’ils ne pussent pas déserter : le soir on les couchait dans des granges. Le 4 janvier 1754, il sortit ainsi de Bicêtre 71 prisonniers, dont 15 amenés la veille du Fort-l’Évêque. Une partie de la journée du 3 avait été employée à les enchaîner par le corps, par les mains et par les pieds. Ainsi mis hors d’état de fuir, ils furent conduits dix par dix sous escorte. « La nuit de la première journée, à Arpajon, comme on leur avait trop donné à boire, il y eut une mutinerie et malgré leurs chaînes, peu s’en fallut qu’ils n’étouffassent leurs gardiens[1]. »

Arrivés à Lorient, on les retenait en prison jusqu’au jour de leur embarquement. Leur libération ne commençait en réalité qu’en mer, lorsqu’ils perdaient de vue les côtes de France.

On engageait encore des Allemands et des Suisses et

  1. V. Arch. de l’Arsenal, 12.710 et 12.685.