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moindre teinture du service et le soldat se moquait d’eux. Le nombre de ceux qui se distinguaient était trop faible pour retenir ou entraîner une grande troupe dans les occasions importantes. Mêmes constatations en 1753. La faveur avait décidé les choix et s’il y eut quelques bons sujets, on pouvait aisément les compter.

Une fois à l’armée, les circonstances et les qualités du commandant en chef déterminaient leur conduite ; avec Bussy, ils obéissaient sans murmurer ; au Carnatic leurs réclamations étaient incessantes ; avec cet esprit de fronde qui est particulier à notre race, ils critiquaient ouvertement les opérations de leurs chefs, sans se soucier que leurs paroles fussent entendues ou non des indigènes, nos alliés, chez qui elles portaient le découragement. Dupleix dut plus d’une fois faire revenir à Pondichéry ces éternels mécontents ou ces profonds stratèges et finalement leur interdire de la façon la plus formelle de tenir en public des propos déplacés. « Quelle différence, disait Dupleix, avec les officiers d’Europe, qui mangent jusqu’à leur dernière chemise au service. »

Ils aimaient naturellement l’argent et les gratifications les comblaient d’aise ; elles leur permettaient de jouer et d’avoir des femmes. Les abus devinrent à cet égard si criants que Dupleix dut finir par interdire l’un et proscrire les autres. C’était surtout au Décan que le mal sévissait ; les femmes et les officiers vivaient dans une certaine communauté phalanstérienne qui nuisait fort à la discipline. Le P. Monjustin, aumônier de l’armée, s’en indignait et menaçait de quitter le service, si le scandale continuait. Après quelques hésitations, il fallut que Bussy et Dupleix intervinssent pour chasser du camp ces brebis égarées. Le P. Monjustin en rendit grâces à Dieu, mais les officiers murmurèrent fortement.