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Dupleix reçut alors une singulière proposition. Deux brames qu’il continuait d’entretenir à la cour lui rapportèrent de la part du raja que si nous lui donnions des secours contre les Anglais, il était résolu à arrêter Mahamet Ali et à le garder prisonnier. Faute de pouvoir lire dans l’âme humaine, il est difficile de dire jusqu’à quel point cette proposition était sincère. Dupleix la prit ou affecta de la prendre au sérieux et n’hésita pas à donner la promesse qu’on lui demandait. Il écrivit au roi (19 juin) :

« Gardez bien le secret sur cette affaire ; si vous la divulguez, vous aurez bien de la peine à l’exécuter… Je suis surpris que vous seul, rejetant mon amitié et agissant avec moi en ennemi, vous favorisiez tant un homme qui n’est point de votre caste[1], et que vous dépensiez tout votre bien pour un maure et ruiniez votre royaume par rapport à lui. » (B. N. 9159. p. 378-379).

Ce projet n’eut aucune suite. La retraite de Morarao non moins que les embarras financiers de Dupleix, donnèrent à entendre au raja qu’il ne lui était pas nécessaire d’engager une partie aussi dangereuse. Il apprit d’autre part, peu de jours après, qu’un renfort anglais d’une certaine importance allait quitter Madras et se proposait de gagner Goudelour puis Dévicotta par voie de terre. Jointes à celles de Lawrence, ces nouvelles forces pouvaient tenir les nôtres en échec. Le moment n’était vraiment pas venu de se déclarer en notre faveur. Après avoir trop parlé, le raja fit la sourde oreille.

Le détachement anglais, conduit par Mafous Kh., frère du nabab, quitta en effet Madras dans les derniers jours de juin ; il comptait environ 200 blancs, 50 topas, 4 à 500 cipayes, et quelques cavaliers. Dupleix se

  1. Le raja était brahmanique et Mahamet Ali musulman.