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ipso facto ; mais Morarao n’était pas moins désireux que Dupleix de réserver l’avenir, en ne sacrifiant pas le présent à un coup de tête qu’il regretterait. Il n’était nullement certain de retrouver auprès des Anglais les avantages qu’il eut perdus. Depuis le début de juin, il s’était retiré au nord du Coléron dans une attitude qui ne laissait préjuger de sa part ni un refus de retour ni une rupture définitive[1]. Sachant qu’il était indispensable au succès commun des alliés, il attendait les propositions qui pourraient lui être faites tant par Dupleix que par Nandi Raja, intéressés l’un et l’autre à la prise de Trichinopoly. Obligé de composer avec lui, à cause de la faiblesse de ses propres effectifs, Dupleix oscillait entre la colère et la tristesse :

« Il est fâcheux, écrivait-il le 26 juin, que l’on fasse tant connaître à cet homme que l’on a besoin de lui. Les Anglais ne l’ont point ménagé et ils n’ont pas paru fort inquiets de l’abandon qu’il a fait d’eux. Il serait bien à souhaiter que nos troupes voulussent penser comme eux. Nous serions débarrassés d’un grand misérable et d’une dépense bien inutile. Si le raja voulait toujours se tenir avec nous, l’ennemi n’aurait que des dessous et on lui ferait connaître qu’aussi bien que lui nous pouvons nous passer de Morarao. »

Mais tel était son désir ou plutôt son intérêt de ne pas rompre le premier avec le Marate que Dupleix aimait mieux feindre d’ignorer ce que la situation avait de pénible pour son amour propre et le 9 juillet, alors que la scission était effective depuis plus d’un mois, il recommandait encore à Mainville de continuer à ménager

  1. Dupleix lui fit observer, par lettre du 10 juin, qu’en agissant ainsi, il lui donnait de justes motifs pour ne plus le payer et que s’il ne rejoignait pas immédiatement nos troupes, tous les accords passés avec lui seraient considérés comme inexistants. Morarao ne répondit pas.