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Et tel Sisyphe, il continua de soulever un rocher qui retombait sans cesse. Tandis que Nandi Raja affichait une sorte d’indifférence sur l’issue de la lutte et continuait de nous refuser des fonds, Morarao, devenu plus exigeant depuis ses succès, affectait de ne plus nous connaître et traitait plus ou moins ouvertement de puissance à puissance avec le roi de Tanjore et avec Mahamet Ali.

Cet esprit d’indépendance n’échappa pas à Dupleix, mais il n’en fut pas ému. Il lui sembla difficile que nos ennemis attachassent beaucoup d’importance aux propositions d’un homme qui les avait successivement servis et trahis. Aussi ne chercha-t-il ni à le retenir, ni à le pousser à une rupture effective, en dénonçant le contrat qui les unissait. La guerre étant devenue une affaire d’argent, il était las de payer des hommes qu’on lui passait en compte mais qu’il supposait, non sans motif, ne pas exister : Morarao s’étant toujours refusé à ce qu’on fit une revue de ses troupes. Jusque là, malgré ses doutes, il avait tenu à payer la solde des effectifs promis comme s’ils étaient au complet et, même à cette heure où le manque de fonds l’autorisait à un contrôle plus rigoureux, il ne l’exigea pas. Par scrupule mais surtout pour éviter les risques d’une rupture effective, dont les conséquences pouvaient être graves, il fit au contraire offrir à Morarao les bijoux et l’argenterie de sa femme, pour lui tenir compte d’une partie des sommes qu’il lui devait (18 juin). « S’il le faut, disait-il, je me dépouillerais jusqu’à ma dernière chemise pour le contenter. »

Il eut assez convenu à Dupleix que Morarao prit lui-même l’initiative de la retraite ; l’indemnité de licenciement prévue parle contrat du 22 décembre 1752 tombait