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anglais, et c’est encore une réponse évasive qu’il reçut.

C’en était trop ; Dupleix ne pouvait plus attendre sous peine de perdre tout crédit. L’ordre fatal fut enfin donné et le 3 ou le 4 juin les digues du Cavery furent rompues en plusieurs endroits et il ne coula plus dans les canaux d’irrigation que de minces filets d’eau, insuffisants pour alimenter les récoltes.

Les Anglais n’attendaient que ce moment pour asseoir définitivement leur influence. Lawrence, arrivé en toute hâte de Trichinopoly, profita de l’affolement produit par ce cataclysme pour représenter au roi que les Anglais étaient ses seuls alliés, qu’il ne gagnait rien à ménager les Français et il lui persuada de rappeler au pouvoir Manogy et de lui confier à nouveau le commandement des troupes. Il en fut ainsi fait et Dupleix compta un ennemi de plus. Il faut rendre à Dupleix cette justice qu’il avait tout fait pour éviter cette éventualité : sa patience, mise à la plus dure épreuve, avait duré cinq mois.

Sans être très redoutable en elle-même, l’hostilité du Tanjore n’en était pas moins pour nous des plus déplaisantes ; elle libérait les Anglais du côté de Devicotta en assurant leur contact avec la côte et elle leur donnait ouvertement toutes les ressources nécessaires pour ravitailler Trichinopoly. Si nous voulions isoler cette place, c’était une conquête nouvelle à envisager et à entreprendre. Nous n’en avions pas les moyens. Dupleix ne manquait pas seulement d’argent, mais encore de soldats. Il en attendait il est vrai 2000 à 2500, mais ces hommes n’étaient partis qu’à la fin de décembre et au lieu d’arriver dans l’Inde au mois de mai, comme il était d’usage, ils n’arrivèrent que fin juillet et dans les premiers jours d’août. Il lui était militairement impossible de terminer la guerre avant l’arrivée de Godeheu.