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coupant la digue, et en faisant couler dans le Coléron les eaux du Cavery on ruinait et on affamait le Tanjore. Dupleix espéra que cette perspective effraierait enfin le raja et le jour même où il reconnaissait que nos bontés étaient cause de tous nos malheurs, il lui laissa entendre, dans un suprême appel, que son attitude pourrait bien être la cause de tous les siens. Il écrivait d’autre part à Mainville trois jours plus tard :

« Je vous ai déjà marqué que sans l’arrivée des vaisseaux d’Europe, j’étais hors d’état de vous faire passer de l’argent. J’ai cherché inutilement depuis quelques jours ; j’en suis à la vérité bien mortifié, mais je ne peux qu’y faire. À l’impossible nul n’est tenu. Je me suis épuisé et j’ai proposé des moyens de tirer de l’argent du raja, l’occasion de la digue vous en présente un nouveau. Si aucun de ces moyens ne peut réussir, je ne vois pas d’autre parti à prendre que celui d’abandonner… et celui de vous en revenir avec la troupe. Vous sentez bien qu’il m’est bien fâcheux de tenir ce propos, mais que puis-je dès qu’on est persuadé que l’on n’a rien à espérer de Nandi Raja. Je suis bien fatigué de lui écrire et vous de lui parler. Il me paraît qu’il sait cela et j’ai lieu de soupçonner qu’on lui a fait entendre que quelque refus qu’il nous fasse d’argent, nous n’abandonnerions point l’entreprise de Trichinopoly. »

L’attitude de Nandi Raja était sagement quoique tardivement interprétée ; il est certain que ce prince sentait depuis longtemps que quoiqu’il fît, nous ne renoncerions pas à Trichinopoly ; toutefois tel n’était pas actuellement l’objet principal de la lettre de Dupleix ; pour des motifs financiers plutôt que militaires, l’affaire de la digue lui tenait beaucoup plus à cœur. Il s’imagina que la crainte de voir son pays ruiné et les habitants réduits à la misère toucherait le cœur du monarque ; malheureusement il avait compté sans Palk, le conseiller