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firent valoir en leur faveur et nous avons exposé ensuite les idées contraires de la Compagnie et d’une partie de l’opinion. Le lecteur pourra ainsi se faire sur l’œuvre de Dupleix l’opinion qui conviendra le mieux à son tempérament ou à son imagination : le rôle de l’historien n’est pas d’imposer son jugement, mais de donner au public les moyens de se prononcer d’après des documents.

Devant la continuité de la guerre et l’incertitude du résultat, la Compagnie et les ministres ne se prononcèrent pas en faveur de Dupleix. La conséquence fut l’envoi dans l’Inde d’un commissaire qui eut pour mission de rétablir la paix et de renvoyer le gouverneur en France. Avec la fin du rôle politique de Dupleix, le récit de la mission Godeheu termine notre travail sur Dupleix et l’Inde française, où les destinées de l’homme et de la colonie ont été étroitement associées. Trente-trois ans s’étaient alors écoulés depuis le jour où il débarqua à Pondichéry, sans avoir jamais revu sa patrie.

Mais la vie de Dupleix est encore loin de son terme ; il ne mourut que le 13 novembre 1763. Revenu en France, il eut à soutenir contre la Compagnie pour le règlement de ses comptes un procès pénible et attristant qui n’était pas encore jugé au moment de sa mort : il ne le fut que le 2 août 1776. Par le refus de reconnaître que, si Dupleix avait pu se tromper et peut-être la tromper elle-même sur les moyens pratiques de réaliser sa politique, il avait du moins travaillé de ses propres fonds à accroître le territoire de la France et la gloire du roi, la Compagnie le plongea dans un état voisin de la misère et lui donna une auréole de victime qui n’a pas peu contribué à inspirer la pitié, la sympathie et finalement la reconnaissance et l’admiration de la postérité.