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fournir les moyens d’assurer à la Nation un état certain et immuable qu’elle n’a jamais eu dans ces parties et qui lui assure des colonies et des retours immenses qui ne lui coûteront rien. Voilà jusqu’à présent l’effet de la rage de nos ennemis ; peut-on me blâmer d’en avoir profité ? » — (A. V. E. 3749, f° 88-92)[1].

Lorsqu’il écrivait cette lettre, Dupleix venait de repousser l’ennemi de nos limites et attaquait Trivady. Il comptait s’en emparer bientôt et ensuite reprendre l’offensive contre Trichinopoly, peut-être aussi contre Arcate. Le succès lui paraissait certain.

Tout n’alla pas aussi bien qu’il l’avait calculé. Trivady succomba après un siège qui ne dura pas moins de quatre mois : mais il lui fallut renoncer à Arcate et le nouveau siège de Trichinopoly ne lui réserva que des déboires. La place ne se rendit pas et à la fin de l’année 1753, la situation, sans être inquiétante, était redevenue assez critique pour que Dupleix se résolut enfin à obéir aux ordres de la Compagnie et à céder aux lettres pressantes de sa famille et de ses amis, qui lui recommandaient d’entrer en accommodement avec ses adversaires. Il n’en était plus au temps où il pouvait écrire à Brignon (15 février 1753) : « La conduite des Anglais dans l’Inde est toujours poussée au delà des bornes. Si on veut me croire et me laisser faire, je les réduirai autant qu’ils le méritent. » (B. N. 9151, p. 28-29). Les événements l’avaient amené à moins d’intransigeance : le rêve et la

  1. Citons encore cette fin de la lettre : « Je ne puis finir la présente sans vous dire que les lettres écrites [de France] au Conseil Supérieur sont écrites dans un style peu décent tant pour la direction que pour lui. Je connais le fabricateur de ces lettres [sans doute Duvelaër] ; il est aisé de s’apercevoir qu’il a pris son éducation au milieu des flots. » — Les boutades ne déplaisaient pas à Dupleix ; il est vrai que la lettre à Montaran avait un caractère tout privé.