Page:Martineau - Dupleix et l’Inde française, tome 3.djvu/324

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

s’immobilise. « Vous n’ignorez pas, écrivait Dupleix, que toute armée retranchée se croit plus en sûreté que celle qui ne l’est pas et que l’on y veille moins. D’ailleurs le moindre retranchement pris, l’armée est sur le champ en déroute. » Il invitait au contraire du Saussay à profiter de la sécurité dans laquelle se croyaient les Anglais pour leur donner la nuit les plus vives alertes. S’il lui arrivait des renforts, il devait en décupler le chiffre, suivant en cela l’exemple de nos adversaires, qui avaient ainsi le talent de fasciner les yeux de bien des gens.

Une première rencontre avec l’ennemi eut lieu le 9 janvier. Nos Marates attaquèrent avec un train d’artillerie et ils commençaient à canonner Trivady, lorsque Lawrence lançant ses grenadiers en avant jeta parmi eux la confusion et s’empara de leur batterie. Il poursuivit même leur cavalerie l’espace de deux milles avec quelques pièces de canon ; mais par un habile mouvement tournant, Morarao trouva le moyen de lui couper la retraite. Craignant d’être investi Lawrence rentra dans son camp avec la batterie dont il s’était emparé. Pour lui comme pour nous, ce n’était ni une victoire ni une défaite. L’affaire parut néanmoins assez sérieuse à Lawrence pour qu’il proposât à Saunders d’abandonner toutes les places du nord et lui demandât toutes les troupes qu’elles occupaient, sans quoi il ne répondait pas de nous tenir tête pendant longtemps.

À la suite de cette affaire, Dupleix invita du Saussay à redoubler ses attaques nocturnes pour tenir l’ennemi en haleine et favoriser les désertions. Attaquer au besoin dans deux ou trois endroits à la fois ; les mouvements nocturnes déroutent les espions ; d’autre part, « il est à peu près certain qu’à ce moment les officiers anglais et leurs soldats sont pleins de fumées bacchiques. »