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de cause, il l’offrit à Brenier, le plus ancien capitaine.

Brenier était toujours à Gingy où il était occupé à compléter les travaux de défense : monter de l’artillerie, faire des logements dans tous les postes, finir un parapet, crépir des merlons, surélever les murs, dresser des palissades. Prudent et modeste, il commença par refuser. Dupleix insista (26 octobre) ; il considérait Brenier comme le seul capitaine ayant quelque expérience du pays et des Indiens. Pour le décider à accepter, il lui proposa, si le fardeau lui paraissait trop lourd de le faire aider par Maissin, major des troupes, et dont le zèle inspirait toute confiance. Brenier tergiversa plus de trois mois : sans le dire expressément, il craignait d’être inférieur à sa mission, comme il le fut en effet[1].

Tant que les négociations avec Morarao furent en cours, Dupleix n’insista pas pour avoir une réponse catégorique ; il ne pouvait encore reprendre les hostilités, mais quand fut conclu l’accord du 20 décembre et que l’entrée en campagne fut fixée au 31, il fallut bien se décider. Et

  1. « Je suis confus des instances que vous me faites pour prendre le commandement de l’armée, écrivait-il à Dupleix le 28 octobre. Je vous prie de croire que si je croyais pouvoir répondre à vos intentions, je ne me ferais pas prier. Je vous avoue que je serais charmé de voir un autre chargé de cette armée, mon peu d’expérience me faisant trembler. Si malgré mes représentations vous êtes toujours dans les mêmes intentions, je serai forcé d’accepter. »

    Il n’était pas encore décidé le 24 novembre : « Je préférerais, disait-il, mille fois labourer la terre plutôt que de commander dans ce pays ; le corps d’officiers est si peu uni et si rempli de jalousies qu’il est difficile de pouvoir commander sans se faire des ennemis. L’on ne cherche qu’à se détruire les uns les autres. »

    Fin décembre, il hésitait toujours : « Je me ferai toujours une gloire d’être soumis à vos ordres, mais les mêmes raisons que j’ai eu l’honneur de vous représenter subsistent toujours. Je crains de me charger de plus que je ne pourrais porter. Je croirais manquer à la confiance que vous voulez bien me témoigner si je ne vous avouais mes forces. Il faut un détail pour un commandement de cette nature dont je ne me crois point capable. »