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ruaient à la brèche non pour se battre, mais pour fuir, et en fuyant ils nous laissaient la place sans combat ; les nôtres crurent qu’on menait les attaquer et, malgré la supériorité de leur nombre, ce furent eux qui tournèrent le dos, leurs chefs y compris. L’ennemi reprenant aussitôt de l’assurance, se mit à leur poursuite et Patté lui-même faillit tomber entre leurs mains (31 janvier). Il se retira encore une fois à Ponnatour « fort triste et bien fatigué. » — « Vous voyez, écrivit-il à Dupleix, par la perte que nous faisons, que l’ennemi est fort et qu’il n’est pas possible de l’attaquer sans un bon appareil. » Et il concluait à l’envoi de 100 français : en quinze jours, on pourrait tout réparer.

Malgré sa résistance devant la mauvaise fortune, Dupleix, ne s’obstina pas. Quelqu’importance que pût avoir à ses yeux Tirnamallé, il avait à ce moment recommencé ses opérations contre Mahamet Ali et il ne pouvait distraire aucun homme pour une autre entreprise. L’affaire de Tirnamallé fut provisoirement abandonnée. Loin d’être blâmé, Patté qui l’avait conduite, fut fait sous-lieutenant quelques jours après. En lui accordant cette faveur, peut-être Dupleix voulut-il, à la façon romaine, rendre hommage au courage malheureux ; peut-être reconnut-il plus simplement qu’on ne pouvait demander un grand effort ni beaucoup de discipline à des hommes mal recrutés et mal instruits, qui n’étaient pas assez puissamment encadrés par des Européens. Quoi qu’il en soit, les trois attaques contre Tirnamallé, réplique de celles de Goudelour quelques années auparavant, prouvaient que Dupleix ne savait pas s’emparer des places fortifiées. Pour employer sa propre expression, il avait « le guignon ».