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tant. Atteint alors dans ses forces vives, Dupleix n’eut d’autre parti à prendre s’il ne voulait faire la paix à tout prix, que d’entretenir la guerre avec ses propres fonds, sans être certain qu’ils lui seraient remboursés. Il le fit sans hésiter pour l’honneur du roi et la gloire de la nation et engagea de cette façon, tant en son nom qu’au nom de quelques-uns de ses parents, amis ou administrés, une somme de 7.022.296 liv. que les revenus des concessions avaient été insuffisants à lui procurer au mois d’août 1754. Sur cette somme il avait avancé personnellement 2.890.616 liv. et il avait emprunté 4.131.680.

La guerre du Carnatic fut ainsi une guerre sui generis, où les intérêts de Dupleix se confondirent avec ceux de la Compagnie, ce qui permit à ses adversaires de prétendre qu’en la continuant malgré les avis des directeurs et des ministres, Dupleix poursuivait avant tout le recouvrement d’une créance personnelle de plus en plus compromise.

Le règlement de cette créance, que lui refusa la Compagnie, fut l’occasion d’un douloureux et lamentable procès, qui réduisit Dupleix à une sorte de misère et ne se termina que longtemps après sa mort, en 1776. On en verra le récit à la fin de cet ouvrage. Résumons d’un mot les arguments qui furent alors invoqués par les deux parties. Dupleix prétendait que les revenus qui lui avaient été concédés constituaient un gage personnel que la Compagnie s’était approprié après son départ ; elle était par conséquent responsable de toutes ses dettes. La Compagnie soutenait au contraire que Dupleix, ayant entrepris la guerre sans son assentiment et l’ayant poursuivie malgré ses ordres, l’avait faite à ses risques et périls ; s’il y avait engagé des fonds, tant pis pour lui, ses pouvoirs ne lui permettaient pas d’avoir des