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jecturer la réponse qu’il eût faite à ce mémoire, s’il eût vécu quelques semaines de plus : car l’amour-propre le poussait souvent à des déterminations dangereuses ; mais un des premiers actes de sa veuve fut de publier une réponse imprimée, adressée à Law lui-même, dans laquelle on peut lire dès le début les lignes qui suivent : « … Pour ne pas différer davantage une rétractation que vous avez déjà trop attendue, je commencerai par déclarer publiquement au nom de mon mari, que jamais il n’a entendu vous accuser de trahison, de lâcheté, d’aucune action déshonorante, qu’au contraire il vous a toute sa vie reconnu pour un très brave et très fidèle sujet du roi et qu’il a toujours désavoué l’article qui vous offense dans le mémoire de 1759[1]… »

L’affaire de Trichinopoly ne nous paraît pas comporter d’autres conclusions. Quant à savoir si Law n’aurait pas pu dominer la situation par d’autres qualités que le courage ou le talent militaire, c’est une question plus difficile à résoudre. Il eût fallu qu’avec une grande liberté d’action, qui lui manqua, il eût le tempérament et la finesse de son collègue Bussy : peut-être serait-il arrivé par la diplomatie à empêcher ou à rompre la coalition des alliés. On peut regretter qu’il n’ait pas possédé ces dons qui firent notre force dans le Décan, on ne peut lui en faire un reproche. La nature dispose de ses inspirations comme elle l’entend.


  1. On sait que l’article visant Law, comme tout le mémoire lui-même, fut rédigé par de Gennes, l’avocat de Dupleix. Celui-ci ne se rendit compte de l’erreur commise qu’après l’impression du volume : il eût voulu dès ce moment faire une rétractation qu’il jugeait nécessaire, mais il n’osa contrister de Gennes en la lui imposant, puis l’amour propre s’en mêla, les années passèrent et le mal devint irréparable.