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voulut pas donner d’otage comme garantie de sa parole. Dans la nuit du 11 juin, un détachement vint prendre Chanda S. et le conduisit en palanquin au camp ennemi, à Chukleypolam. L’infortuné ne fut pas plutôt arrivé que, sans égard pour les serments jurés, on le considéra comme prisonnier et on le retint comme tel.

Le lendemain, Lawrence assista à une conférence où l’on discuta de son sort. Le général du Maïssour et Morarao voulaient qu’on le relâchât ; Mahamet Ali et Manogy soutinrent au contraire qu’il y avait le plus grand danger à laisser échapper un homme qui leur avait causé tant d’embarras. Lawrence garda longtemps le silence ; à la fin, voyant qu’ils ne pouvaient se mettre d’accord, il leur proposa de s’en charger et de l’envoyer dans un établissement anglais, où il serait tenu sous bonne garde. Sans contredire formellement à cette proposition, personne cependant ne s’y rallia et l’affaire fut renvoyée au lendemain, 13 juin. Ce jour-là, Manogy ayant demandé à Lawrence s’il désirait sérieusement se charger du prisonnier, le chef des Anglais répondit qu’il ne se souciait pas de prendre plus longtemps part à cette discussion. Ce fut l’arrêt de mort de Chanda S. ; un instant après, pour couper court à toute contestation entre les alliés, Manogy le fit assassiner en présence de trois de ses serviteurs, dont l’un s’offrit à sa place comme victime ; sa tête fut portée en triomphe à Mahamet Ali, à Trichinopoly[1].

Ce coup frappa droit au cœur Dupleix qui, nous dit

  1. L’assassinat de Chanda S. est l’un des faits qui ont été le plus reproché à Lawrence. Dupleix l’accusa expressément de ce meurtre ; mais du récit que nous venons de faire d’après Orme et Malleson, il semble bien que Lawrence n’ait eu qu’une complicité morale dans ce triste événement. Il suffisait qu’il dît un mot pour sauver Chanda S., ce mot, il ne le dit pas, il ne voulut pas le dire.