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Fort heureusement, la fortune nous seconda mieux que nos chefs. Les Anglais trouvèrent devant Valconde une résistance inattendue. Le quelidar de la place, ne sachant au juste quel était le véritable nabab, n’osa pas se déclarer entre Mahamet-Ali et Chanda S., et, sans prendre notre parti, il ne voulut pas cependant se soumettre aux Anglais. On parlementa pendant quinze jours ; enfin, dans la nuit du 29 au 30 juin, les Anglais se résolurent à l’attaquer. Ils s’emparèrent aisément des défenses extérieures de la ville ; mais le fort les arrêta et ils furent obligés de se retirer avec perte. Les troupes de Chanda S. et les nôtres, attirées par le bruit de la canonnade, arrivèrent au jour et achevèrent la déroute ; les Anglais perdirent 90 blancs, 6 pièces de canon, des fusils, des munitions et toutes leurs tentes.

On les eut sans doute anéantis ou pris, si on les eut poursuivis avec vigueur ; mais la cavalerie de Chanda S. ne voulut pas donner, lui-même ne fit preuve d’aucune initiative et d’Auteuil n’était vraiment pas un entraîneur d’hommes. Ce fut un succès sans utilité. Aussi les officiers découragés pariaient-ils de se retirer et d’abandonner Chanda S. ; après tout, disaient-ils hautement, c’était sa cause qui était en jeu et non la nôtre. Dupleix se fâcha.

« Vous et vos messieurs, écrivit-il à d’Auteuil le 3 juillet, vous devez penser que ce n’est que pour l’État que nous travaillons et non pour tous ces lâches de Maures. Chacun y a aussi trouvé son bénéfice, les uns plus, les autres moins et quoique dans le fond nous ne travaillons que pour nous, ce serait donner des marques de la plus grande ingratitude que d’abandonner Chanda S. Je sais bien que la pensée ne m’en viendra jamais et que si je ne suis pas secondé par tous ceux mêmes qui ont profité du passé, Dieu ne m’abandonnera pas et qu’il suscitera quelque moyen de tirer encore la nation avec honneur de