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embarras. Saunders pensa d’abord qu’une telle révolution serait suivie de grandes commotions, que la trahison des nababs qui avaient contribué au meurtre de Nazer j. jetterait la division dans l’armée et que cette division pourrait tourner à l’avantage des Anglais. Il parut unanimement raisonnable d’essayer de contrecarrer les projets des Français, mais comme une telle attitude appartenait en grande partie au gouvernement de Londres et dépendait surtout de la tournure des affaires, on ne jugea pas nécessaire de prendre des résolutions immédiates et il fut décidé de se tenir prêt pour toute occasion qui pourrait se présenter. (Délibération du 8/19 décembre).

On n’attendit pas longtemps. Quelques jours après, on apprit que loin de se diviser l’armée du Décan avait acclamé Muzaffer j. et marchait en triomphatrice vers Pondichéry.

C’était l’heure des décisions. Il faut rendre cette justice à Saunders que sans avoir reçu d’instructions de la Compagnie d’Angleterre, il n’hésita pas à prendre la seule attitude qui fut conforme à ses intérêts. Il ne céda ni à la crainte ni au sentiment. Il comprit que, s’il restait dans l’indécision où se plaisaient les Anglais depuis quinze mois, c’en était fait de leur prestige et de leur commerce et que nous allions seuls retirer tous les bénéfices de la campagne. Il reconnut donc comme souverain légitime non pas Muzaffer j., considéré comme usurpateur, mais son oncle Gaziuddin-Khan, frère aîné de Nazer j., alors ministre du mogol à Delhi, et quand Muzaffer j. lui demanda, peu de jours après sa victoire, de lui remettre toutes les places et terres que les Anglais avaient occupées pendant les derniers troubles, il affecta de ne pas comprendre, et ne répondit pas.