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lement contraire à la vérité et vous me faites une grande injustice en disant que j’ai agi sans rougir, puisque je rougis beaucoup le dimanche matin, quand je me vis tout à coup privé de l’occasion d’agir, quoique vous me l’eussiez promis avec beaucoup de confiance par votre lettre du 3 avril n. s. » (B. N. 9161, p. 90).

L’allusion à la retraite de nos troupes dans la nuit du 5 avril est un peu lourde, mais la lettre dans son ensemble pose bien la situation telle que l’envisageaient nos rivaux et telle qu’elle se déroula dans la suite. Dès le premier jour, les Anglais ne furent pas assez aveugles pour ne pas voir où aboutirait la politique de Dupleix si jamais elle triomphait, et leur devoir strict était de la combattre. N’osant la heurter de front, ils ne s’attachaient encore qu’à en saper les fondements juridiques sur lesquels Dupleix prétendait l’appuyer et, à des titres de circonstance fort contestables, ils en opposaient d’autres qui n’avaient pas plus de solidité. Dans l’Inde de cette époque, la force seule créait le droit ; il n’y avait pas d’autre légalité. Le fléchissement de l’empire mogol, qui avait déchaîné tous les appétits, avait amené une confusion de tous les pouvoirs et la justice méconnue avait pris le chemin de l’exil. Aussi les arguments de droit invoqués de part et d’autre ne comptaient-ils que pour l’Europe où les hommes de loi ont été de tout temps fort habiles pour faire perdre aux gouvernements le sens des réalités.

Entre temps, le major Lawrence et Westcot envoyés comme ambassadeurs et plénipotentiaires extraordinaires auprès de Nazer j., « prince incontestable de la province, » avaient offert leur médiation pour rendre la tranquillité au pays. On a vu plus haut que Dupleix avait rejeté leur proposition sans la discuter.