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où elle ne pouvait manquer, disait-il, de procurer des désagréments au gouverneur anglais.

Sans doute entendait-il par là que la Compagnie de Londres blâmerait Floyer et le Conseil de Goudelour ; mais outre que l’incident n’était pas d’une extrême gravité, on sait qu’il n’est pas dans les habitudes du gouvernement anglais ni même d’aucun gouvernement de désavouer ses agents, quand ils procurent quelques avantages à la nation, même par des procédés irréguliers. Dans cette affaire secondaire comme dans celles plus importantes qui suivirent, l’erreur de Dupleix fut de croire à la possibilité d’un désaveu.

On ne relèverait pas ici cette étrange illusion, si elle n’avait eu pour sa politique les conséquences les plus fâcheuses. Pénétré de l’idée que Muzaffer j. et Chanda S. étaient les seuls souverains légitimes du Décan et du Carnatic, il ne voulut jamais admettre que les Anglais pussent avoir une opinion différente. Mis en face d’un principe de droit aussi bien établi, que pouvaient-ils faire sinon nous laisser le champ libre pour défendre la justice et la vérité ? On est étonné qu’un homme aussi avisé ait pu subordonner toute sa conduite à cette conception juridique. L’histoire de l’humanité n’est-elle pas une démonstration sans cesse renouvelée que si les idées de droit ont quelque valeur en temps de paix, en temps de guerre elles ne comptent pour rien ?

Lorsqu’après de longues hésitations et beaucoup de temps perdu, Nazer j. se décida enfin à paraître dans le Carnatic avec une armée formidable et qu’il fut arrivé près de nos limites, Floyer lui demanda de donner des ordres aux amaldars pour qu’on n’apportât point de vivres à Pondichéry, tandis que lui-même empêcherait tout ravitaillement par mer. Floyer engageait en outre